Propos épars

 

On m'avait offert un vieil objectif des années trente qui, à pleine ouverture, donnait des images floues. Je me suis mis à tirer flou. C'est très difficile, personne n'a jamais fait ça, on n'a ni référence ni point de repère. Il a fallu que je mette une technique au point.


Garder un souvenir flou des endroits où je n'irai plus
Pour revoir mes filles petites
Parce que je n'ai pas une bonne mémoire
Parce que je suis myope
Parce que je lis ma partition
Parce que cela m'arrange momentanément
Pour ne pas faire comme tout le monde.


Je ne pense qu'à moi quand je réalise une photographie. Tant mieux si cela plaît à d'autres ensuite.


Le moins qu'on puisse faire, c'est de montrer quelque chose. Il faut démontrer et encore mieux dénoncer. Embellir la beauté et enlaidir la laideur.


A force de se remettre en question, on finit bien par changer: un jour, en 1973, je suis parti du trait vers le flou, faisant ce qu'on appelle communément un saut de carpe, mais qui n'est en définitive qu'un prolongement dans la rigueur. Depuis cette date, je pars à la découverte de mes négatifs. J'essaie de leur donner une nouvelle vie en les chargeant de nostalgie.
Les photographes qui montrent ce qu'on voit ne m'intéressent pas, contrairement à ceux qui essaient de montrer ce qu'on ne voit pas. Quant à ceux qui y parviennent, ceux-là, je les aime.


La photographie doit être évidente, flagrante.


Je revendique la nostalgie comme une tristesse agréable, on se rappelle les bons instants. Brun et flou? Parce que je suis myope et que je n'ai pas beaucoup de mémoire. La première fois que j'ai mis des lunettes, j'ai trouvé formidable de voir net.


La créativité est un mot vidé de sens utilisé surtout par des gens qui n'en ont pas et qui ont le pouvoir de ne pas appeler les choses par leur nom. La création est une chose rare, même si au Bal des Artistes on se bouscule, alors qu'il devrait faire désert.


Je vous parlerai plus volontiers de beauté que de technique. C'est pour moi l'essentiel. Elle me permet de sublimer l'ordinaire en marge des conneries quotidiennes. Je m'efforce toujours d'asseoir la photographie comme une fête de l'intelligence.

Une morale de l'anarchie ne peut se concevoir que dans le refus. C'est en refusant que nous créons.

Hubert Grooteclaes